PROMENADE DANS L'ESPACE MYRYS 1998

Extérieur jour : la "rue"

Au 66 ter Avenue Étienne Billières, un porche rose sous un immeuble de 10 étages. On accède à un passage public, bloqué rapidement par des plots de béton et des voitures stationnées de part et d'autre.

À droite, le bâtiment bas de la caisse d'épargne et la cour qui lui sert de parking. La rue mesure environ 10 mètres de large, la cour 12 m de plus.

À gauche se succèdent 10 modules identiques, en sheds, dont seule l'ouverture varie : une grande porte, une grande fenêtre ou deux plus petites, ou une porte murée. A droite, après la cour, on trouve d'abord la maison de la direction, à un étage, avec un escalier métallique qui accède à une porte au premier étage (à l'origine une fenêtre). Puis un portail bleu vif donnant sur un espace vide, en partie couvert, précède un bâtiment constitué de 3 doubles pentes avec des ouvertures cintrées régulières.

Au fond, un terrain nu entouré de restes de murs laisse la trace d'un bâtiment qui a brûlé, en 1953, avec toutes les archives de l'usine. Lui fait face son pendant encore sur pied, un bâtiment à deux étages plus sous-sol, qui était une fabrique de sous vêtements. Ce bâtiment en brique, caractéristique de l'architecture industrielle du début du siècle, est le seul aujourd'hui à avoir pignon sur rue. C'est également le seul à échapper à la démolition dans un premier temps, appartenant à un autre propriétaire.

En fond de perspective, sur la rue Adolphe Coll, un reste de portail monumental en brique est envahi par de la végétation sauvage. Le long de la rue, la plupart des murs ont été blanchis, recouvrant d'anciens graffitis et offrant un support pour les nouveaux. Quelques peintures sur les murs, un bas-relief incrusté comme une plaque près d'une des portes de la maison, le mot OAZIS se détachant en grosses lettres orange sur fond de ciel, un personnage transparent, fait de grillage, suspendu au dessus de nous ... On est dans la rue Mix'Art'.

Extérieur jour : « la cour »

Quand on passe par le portail le plus proche de la rue A.Coll, on pénètre dans la cour de Myrys, fermée sur trois côtés par des murs de brique, vestiges du bâtiment détruit par un incendie. A droite, le quatrième côté est bordé par le logement du gardien, accolé à la halle centrale. Cette maison se présente comme un empilement de cubes de béton gris, duquel émerge l'unique cheminée de Myrys, elle aussi un empilement de cubes gris. A gauche du portail, des plaques de tôle ondulée fixées sur deux pans de murs abritent trois ou quatre chaises et fauteuils défoncés, dans l'attente d'une conversation. A côté de cet abri, le long du mur OAZIS. le "jardin" laisse libre cours à des plantes des villes, quelques arbustes résistants, tout ce qui pousse de soi-même. Le mur qui sépare la cour de la rue Adolphe Coll est assez bas (la cour est environ 1 m plus haut que la rue) et orné de fresques. Le dernier mur restitue la hauteur du bâtiment détruit et l'emplacement des porteurs, et isole l'endroit des constructions voisines. Au milieu de cet espace, une carcasse de voiture, décorée et transformée.

A droite, derrière la halle, un passage longe les ateliers du quartier des sculpteurs, où les murs sont le théâtre des revendications de liberté et de création .

Au fond de ce passage, une deuxième cour, plus petite, est en partie couverte, abritant un ange suspendu. Un hangar de stockage porte les restes d'un affichage, des photos de carnaval. C'est très sale. Un escalier mène à une terrasse désolée, où pourrissent des plaques d'aggloméré, et dessert plusieurs petites pièces vides, sales elles aussi.

Intérieur. 1er contact de nuit

Une fois qu'on a passé le porche, quand on s'engage dans la rue intérieure, on ne distingue presque plus les obstacles, voitures, plots, objets divers.

Je me rends pour la première fois réunion du collectif. le mardi soir. La réunion est itinérante, nomade sur le site, je ne sais pas où je vais. Je me guide à la seule lumière visible, provenant des fenêtres de l'atelier des peintres, au deuxième étage du bâtiment Adler. Je devine

l'entrée, descends par une rampe, puis remonte par un escalier de fortune, aux marches trop

espacées, mais légèrement éclairé par les lampadaires de la rue A.Coll . Le premier étage n'est peuplé que de tableaux pour la plupart inachevés, des ombres, et des percussions montant de la salle de musique mal insonorisée.

L'accès au second se fait par un petit escalier en béton, dans un coin sombre. Je devine une série de boites aux lettres adressées au différents membres de la tribu Myrys. En haut, c'est l'illumination . Des parapluies peints de motifs multicolores flottent au plafond, suspendus aux poutres métalliques. Le groupe réuni en cercle autour d'une table ronde semble une île vivante dans un grand décor mort. La couleur jaillit de la nuit, comme la musique des Bras Cassés, percussionnistes fantômes entendus mais jamais vus.

Festival MOMAR (3.4 et 5 décembre)

 

Ce festival qui regroupe musique, danse, expo et performance, doit son nom à Momar, musicien et chanteur africain. Il se déroule dans la grande salle des sheds, où les murs sont remplis de tableaux et de photos, et de quelques sculptures. Au centre, une scène est aménagée. Le décor est complété par des chaises disparates et des braseros fabriqués avec de vieux bidons, qui rassemblent tout le monde car la salle est froide. La discussion avec d'autres visiteurs devient vite plus importante que la visite elle-même, la salle est grande et les œuvres nombreuses, mais mal mises en valeur, on ne s'attarde pas. Puis la cassette est remplacée par de vrais musiciens qui réchauffent l'atmosphère avec leurs rythmes africains · ponctués de claquements de langue étonnants. Les gens se mettent peu à peu à danser.

Pendant ce temps, au fond de la salle, un grand triptyque de toile se remplit lentement, peint des deux côtés par qui veut devant un brasero qui crée un effet de transparence mouvante et colorée.

La soirée ne continuera pas tard dans la nuit, pour cause d'accord avec les propriétaires et les voisins.


 

Le lendemain, je reviens pour prendre des photos. Je trouve une salle étrangement silencieuse, où restent tous les vestiges de la soirée, et surtout la fumée des braseros qui donne à l'ensemble une allure irréelle. La structure métallique de la toiture apparaît comme un grand squelette devant la lumière abondante des sheds.

En passant derrière un grand pan de moquette verte, on découvre un capharnaüm de matériaux en tous genres, entreposés autour, dans et sur ce qui était auparavant des bureaux en préfabriqué. De là, on accède à l'ancien magasin de chaussures, vide et sale, où restent encore des cartons entiers d'étiquettes de soldes. La lumière entre uniquement par l'ancienne porte vitrée, aujourd'hui condamnée.

Tout aussi vide, mais beaucoup plus gaie et colorée , la halle centrale est ouverte à tous, presque tout le temps. Trois verrières éclairent la salle qui sert surtout aux arts du cirque, et qui n'est occupée que par les quatre poteaux porteurs et par une vieille chaudière transformée en personnage fantastique. Les murs sont décorés de fresques, et les carreaux des fenêtres peints, colorant la lumière comme des vitraux.